A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

dimanche 26 mai 2013

Ces Messieurs de Saint-Bonnet (8)



Voilà donc la raison pour laquelle le vice-bailly, ayant bien trop à faire pour s’aider lui-même, n’avait été d’aucun secours pour son ami Saint Bonnet, le seul des frères, si l’on excepte ceux qui étaient religieux, à rester en vie.
Il s’était depuis, établi à la Gouffrie sur la paroisse de Saint Martin de Lezeau. Fidèle à ses habitudes, il ne pût faire autrement que se mettre en délicatesse avec le curé qui le prit en aversion et alla s’en plaindre au maréchal de La Ferté qui résidait alors à La Loupe. Il en dit tant et tant de faux plus que de vrai, que le Maréchal convoqua Saint Bonnet en ces termes : « Nous, Maréchaux de France, commandons au sieur de Saint-Bonnet de nous venir trouver en notre château de La Loupe, demain matin. » et c’était signé Maréchal de La Ferté.
Saint Bonnet obtempéra et se fit vertement tancer :
-« Par corbleu, Saint-Bonnet, vous ferez toujours le méchant ; que je vous dise en quatre paroles ce qu’il en est : premièrement, vous n’allez pas à la messe ; secondement, vous avez manqué votre curé d’un coup de carabine comme il portait le sacrement à un malade ; troisièmement vous fâchez tout le monde ; en quatrième lieux vous faites les grains de tous les particuliers à vos chevaux … Prenez garde ! je vous mettrai quatre prévôts après les fesses, qui vous attraperons bientôt ! »
L’imprudent Saint-Bonnet répondit : « Monseigneur, s’il y a une de ces choses de véritable, je ne veux pas être pendu, mais je veux être rompu vif ! Il est vrai que je ne vais point à la messe de mon curé, mais j’y vais à Maillebois ; secondement, je ne porte point de carabine et qui plus est il n’y a pas de malade dans ma paroisse ; troisièmement, il n’y a personne qui se plaigne de moi dans le pays. Mais Monseigneur, faites s’il vous plaît informer sur toutes ces choses, et vous verrez qu’il n’a pas dit une seule parole véritable ! »
Le Maréchal à demi convaincu congédia Saint-Bonnet avec cet avertissement : « Adieu Saint-Bonnet, gouvernez-vous bien et prenez garde à vous ! »
Alors qu’il s’en retournait, Saint- Bonnet rencontra un de ses amis, l’abbé de Fonteny qui était l’aumônier du Maréchal. Il lui confia ses déboires ; l’abbé le rassura en lui disant que La Ferté avait bien d’autres soucis et plus graves et qu’il se faisait fort de l’apaiser. Saint Bonnet selon lui n’avait rien à redouter. Du temps passa et n’entendant plus parler de rien, Saint-Bonnet rentré à la Gouffrie  oublia toute l’affaire.
Mais le curé de Saint-Martin, lui, n’oubliait rien et voyant le Maréchal faire si peu de cas de ses griefs, il s’en fut jusqu’à Orléans trouver l’Intendant du moment, Monsieur de la Palissonnière. Il lui raconta à sa mode la vie des Saint-Bonnet en n’omettant aucune des calomnies aucun des mensonges qui se colportaient à leur sujet, les siens tous les premiers. L’intendant lui accorda foi et ordonna au nouveau Vice-Bailly de Chartres d’arrêter le trublion. Aussi le 17 juillet 1665, le Vice-Bailly entouré d’une forte escorte vint s’embusquer dans les bois de Saint-Vincent escomptant que Saint-Bonnet ne manquerait pas de passer par là et qu’il le prendrait sans coup férir. Il avait avec lui vingt-deux archers, mais aucun, le jour où Saint-Bonnet traversa le bois n’osa l’approcher tant sa réputation de hardi cavalier, d’agilité et d’adresse aux armes les terrifiait. Pendant plusieurs jour, Saint-Bonnet battit tranquillement la campagne tant ces braves craignaient pour leur peau. Le temps passait ; finalement, le Vice-Bailly et ses archers résolurent d’attendre la nuit et d’aller se cacher dans la grange du curé de Saint-Martin. C’était un vendredi ; ils y passèrent la journée et la nuit du lendemain. Le  dimanche au matin, Monsieur de Saint-Bonnet, pour se conformer aux recommandations du Maréchal, vint entendre la messe à Saint-Martin. Mal lui en prit ; un homme du Vice-Bailly placé là en espion le vit entrer et courut à la grange pour avertir la  troupe qui fit irruption dans l’église. Saint Bonnet n’avait pour armes que son épée et un fusil. Le jeune de La Hillière, son neveu l’accompagnait. Au milieu de l’office, et à deux contre plus de vingt, ils n’avaient aucune chance. Ils durent se rendre ; on prit les cordes des cloches de l’église pour les garrotter, puis on les traîna jusqu’ à la Gouffrie. Là, on jucha Saint Bonnet sur un de ses chevaux et dans cet équipage, il fut conduit et emprisonné à Chartres où on le laissa croupir. On fit de cet épisode une chanson avec ces quatre vers pour refrain :

Le dix- neuvième de juillet
Un dimanche de grand matin
Fut pris le sieur de Saint-Bonnet
Dans l’église de Saint Martin.

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