A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

lundi 23 novembre 2009

J'avais huit ans quand cette passion commença, et à douze ans je tournais en plaisanterie mon goût, non que je ne trouvasse M. de Gesvres aimable, mais je trouvais moins plaisants tous les empressements que j'avais eus d'aller jouer dans les jardins avec lui et ses frères: il a deux ou trois ans plus que moi, et nous étions, à ce qui nous paraissait, beaucoup plus vieux que les autres. Cela faisait que nous causions lorsque les autres jouaient à la cligne-musette. Nous faisions les personnes raisonnables, nous nous voyions régulièrement tous les jours: nous n'avons jamais parlé d'amour; car, en vérité, nous ne savions ce que c'était ni l'un ni l'autre. La fenêtre du petit appartement donnait sur un balcon où il venait souvent; nous nous faisions des mines; il nous menait à tous les feux de la Saint-Jean, et souvent, à Saint-Ouen. Comme on nous voyait toujours ensemble, les gouverneurs et les gouvernantes en firent des plaisanteries entre eux, et cela vint aux oreilles de mon Aga*, qui, comme vous le jugez, fit un beau roman de tout cela. Je le sus:cela m'affligea; je crus, comme une personne raisonnable, qu'il fallait m'observer, et cette observation me fit croire que je pourrais bien aimer M. de Gesvres. J'étais dévote, et j'allai à confesse; je dis d'abord tous mes petits péchés, enfin il fallut dire le gros péché; j'eus de la peine à m'y résoudre; mais en fille bien éduquée, je ne voulus rien cacher. Je dis que j'aimais un jeune homme. Mon directeur parut étonné; il me demanda quel âge il avait. Je lui dis qu'il avait onze ans: il me demanda s'il m'aimait, et s'il me l'avait dit: je dis que non; il continua ses questions."Comment l'aimez-vous? me dit-il.- Comme moi-même,lui répondis-je.- Mais, me répliqua-t-il, l'aimez-vous autant que Dieu?" Je me fâchai, et je trouvais fort mauvais qu'il m'en soupçonnât. Il se mit à rire, et me dit qu'il n'y avait point de pénitence pour un pareil péché; que je n'avais qu'à continuer d'être toujours bien sage, et n'être jamais seule avec un homme; que c'était tout ce qu'il avait à me dire pour l'heure. Je conviendrai encore qu'un jour, (j'avais alors douze ans, lui de quatorze à quinze) il parlait avec transport qu'il ferait la campagne prochaine. Je me sentis choquée qu'il n'eût pas de regrets de me quitter, et je lui dis avec aigreur:"Ce discours est bien désobligeant pour nous." Il m'en fit des excuses, et nous disputâmes longtemps là-dessus. Voilà ce qu'il y a jamais eu de plus fort entre nous. je crois qu'il avait autant de goût pour moi que j'en avais pour lui. Nous étions tous deux très innocents, moi dévote, lui autre chose. Voilà la fin du roman.




AÏSSE (1695? - 1733)



*M. de Ferriol, ambassadeur de France à Constantinople, l'avait achetée lorsqu'elle avait quatre ans. Bien que vivant dans le monde le plus choisi à Versailles et bien que traitée comme une fille de haut rang, dont elle avant reçu l'édication, Aïssé n'était ni plus ni moins qu'une esclave, appartenant à son "aga" qui se la réservait.

1 commentaire:

anne des ocreries a dit…

Pauvre femme....ah, c'est bien dur d'être libre....