A vous, amis des contes, des légendes, des êtres et des lieux étranges; amis des jardins, des champs, des bois , des rivières ; amis des bêtes à poils, à plumes ou autrement faites ; amis de toutes choses vivantes, passées, présentes ou futures, je dédie cet almanach et ses deux petits frères: auboisdesbiches et gdscendu.

Tantôt chronique, tantôt gazette, ils vous diront le saint du jour, son histoire et le temps qu’il vous offrira ; ils vous diront que faire au jardin et les légendes des arbres et des fleurs. Ils vous conteront ce qui s’est passé à la même date en d’autres temps. Ils vous donneront recettes de cuisines et d’élixirs plus ou moins magiques, sans oublier, poèmes, chansons, mots d’auteurs, histoires drôles et dictons… quelques extraits de livres aimés aussi et parfois les humeurs et indignations de la chroniqueuse.

Bref, fouillez, farfouillez, il y a une rubrique par jour de l’année. Puisse cet almanach faire de chacun de vos jours, un Bon Jour.

Et n'oubliez pas que l'Almanach a deux extensions: rvcontes.blogspot.fr où vous trouverez contes et légendes de tous temps et de tous pays et gdscendu.blogspot.fr consacré au jardinage et tout ce qui s'y rapporte.

vendredi 24 juillet 2009

L'Isabelle - Claude Seignolle (5)



… En mars dernier, j’allai à cette vente dont vous avez certainement entendu parler, où on dispersait la collection de Kerger, l’ancien ministre, grand voyageur et riche industriel. Il y avait là quelques chefs-d’œuvre, tant en objets d’art qu’en tableaux. Pour ma part, je désirais deux toiles ; l’une, d’un petit maître florentin, m’échappa aux derniers mille francs ; mais l’autre, cataloguée comme nu du second empire bien qu’habillée d’une couche de temps sale et grasse dont la seule partie propre était ce visage de blonde, brillant d’une attirante joie sensuelle qui me l’avait fait distinguer des autres croûtes, me fut adjugée après quelques faibles mises sans enthousiasme.
Mais, une fois sorti de la salle, me retrouvant dans ma voiture en compagnie de cette acquisition qui, de grandeur nature, était encombrante dans son cadre quelconque dont la moulure s’effritait à chaque déplacement, je ne pus que regretter mon choix. De plus, l’impitoyable lumière du jour soulignait jusqu’au dégoût un demi-siècle de négligences rares, à croire que ce tableau était toujours resté face à l’haleine d’une cheminée, ou, et j’hésite à le dire, dans une porcherie.
Le cartouche lui-même était illisible, badigeonné d’une couche de peinture ocre, à la colle, mais que l’ongle écaillait facilement. Quant à la signature, il me faudrait, pour la découvrir, soulever la frange de ce vêtement de pudeur qui maculait le corps de cette femme aux formes indistinctes.
Cependant, une fois arrivé ici, au château, ma curiosité ayant fait son chemin, je n’avais déjà plus les mêmes regrets : j’allais pouvoir me livrer au plaisir de la recréer. Je veux dire par là qu’avec l’aide d’ingrédients que je sais efficacement utiliser, j’allais pouvoir nettoyer de ses impuretés cette œuvre peut-être de valeur.
Ayant acheté à bas prix, donc sans risque de mauvaise affaire, une inconnue au visage
captivant, ce me serait un cadeau de jouir à la révélation de son corps ; en fait judicieusement protégé des altérations extérieures par cette crasse providentielle.
A suivre